A l’instar de nombreux secteurs, l’industrie du shipping est amenée à manœuvrer vers la transition au plus vite. En effet, bien que le transport maritime représente le mode de transport le moins émetteur de gaz à effet de serre par unité transportée, son empreinte environnementale a fortement augmenté ces dernières années en raison de l’intensification des échanges commerciaux. Il représente aujourd’hui un canal clé en Europe des échanges mondiaux, étant responsable de 77% des échanges entre l’Union Européenne (UE) et le reste du monde, et de 35% des échanges en valeur entre les membres de l’UE.
Au niveau mondial, 90% de ce que nous consommons transitent sur environ 60 000 vaisseaux, qui naviguent jour et nuit sur les mers et océans qui nous entourent.
La compagnie maritime Windcoop, basée à Lorient, a d’ores et déjà mis le cap vers la transition en développant un modèle de transport bas-carbone, économiquement responsable, soucieux de l’Homme et de l’environnement.
Son premier navire, un porte-conteneurs long de 90 mètres, sera mis à l’eau en 2025 et reliera Marseille à Madagascar.
Il devrait transporter 100 conteneurs de 20 pieds, dont certains réfrigérés, soit l’équivalent de 1400 tonnes de marchandises. D’autre part, ce bateau à voile devrait être en mesure d’accueillir 12 passagers, qui auront alors la possibilité de voyager au rythme du vent.
Né en 2021 de la volonté d’agir concrètement sur les pratiques actuelles pour les faire évoluer, Windcoop souhaite permettre une transition à courte échéance.
Un projet guidé par des engagements éthiques, écologiques et économiques.
Un tel projet n’aurait pu voir le jour sans la collaboration de plusieurs acteurs. Aussi, ce sont trois entreprises engagées pour un futur plus durable qui sont à l’origine de ce projet :
Dans l’optique d’optimiser la chaîne de transport depuis et vers Madagascar, la première ligne a été pensée pour répondre aux enjeux identifiés de l’île, dotée d’un seul port principal, Toamasina, et aujourd’hui sans ligne directe vers l’Europe. La première ligne desservira ainsi Toamisana et 5 ports secondaires du pays, permettant d’aller au plus près des clients, tout en intégrant la population locale, en limitant le transport terrestre et en favorisant le désenclavement de certains territoires.
Il faudra compter un mois pour relier la France à Madagascar avec le cargo à voile, via une ligne directe, quand ce sont aujourd’hui près de 80 jours qui sont parfois nécessaires à cause des nombreux transbordements (Turquie, Maurice, Sri Lanka, etc.). Cette place géostratégique importante entre la France et Madagascar permettra aussi de relier les nouvelles routes commerciales sud-sud entre l’Afrique, l’Asie et l’Amérique.
De plus, la compagnie maritime, soucieuse de bouger les lignes et de créer un nouveau standard, milite pour un modèle économique différent. Windcoop se développe ainsi sur un modèle collaboratif à travers une coopérative, qui offre la possibilité à celles et ceux qui le souhaitent (particuliers, entreprises, collectivités, etc.), de devenir sociétaires pour participer à la construction d’un nouveau modèle de compagnie maritime, et, de fait, d’être acteurs de la transition. Aussi, Windcoop se structure en Société coopérative d'intérêt collectif (SCIC), ce qui permet à chaque partie prenante de l’activité d’être intégrée au capital, ainsi que la mise en place d’une gouvernance partagée. Un modèle économique pensé pour être pérenne, qui compte, en un an, 1100 sociétaires. « La coopérative permet de proposer un financement participatif. On permet à chacun de faire exister le projet, non pas pour gagner de l’argent, mais pour transformer le monde. » Matthieu Brunet, Président d’Arcadie et Fondateur de Windcoop.
Windcoop permet également d’avoir un taux de fret plus stable, ce dernier étant en partie indexé sur le prix du carburant. Windcoop commencera à générer du chiffre d’affaires en 2025 avec la mise à l’eau du premier navire et les résultats financiers seront accessibles librement.
De plus, afin d’élargir son équipe de co-armateurs et de financer la construction de son premier voilier cargo, l’entreprise a mené une levée de fonds. En juillet 2023, la levée de fonds est presque arrivée à terme puisque ce sont quasiment 5 millions d’euros, soit l’objectif initial fixé, qui ont été levés.
Le modèle économique de Windcoop repose ainsi sur trois sources de revenus :
Bien que le navire ne transportera pas uniquement des produits bio et responsables, afin de ne jamais naviguer à vide et pour établir un fonctionnement rentable, la compagnie se questionne continuellement sur la sélection des marchandises transportées. Il s’agit donc d’intégrer la chaîne logistique existante en apportant une solution viable économiquement, qui intègre les codes et les pratiques de la marine marchande. La viabilité du modèle économique est assurée par les économies de carburants, qui viennent compenser le surcoût d’environ 20% du CAPEX d’un navire traditionnel.
Windcoop, agréée Entreprise Solidaire d'Utilité Sociale (ESUS), souhaite améliorer les conditions de travail du transport maritime et milite pour un retour à la lenteur et une approche humaine du métier. Cet agrément s'inscrit dans le cadre de la loi relative à l'économie sociale et solidaire de 2014, et a pour objectif de créer un écosystème favorable au développement de ces entreprises. Il représente également une porte d'entrée pour Windcoop pour accéder à l'épargne solidaire et attirer les investisseurs solidaires.
Les engagements de Windcoop reconnus d'utilité sociale sont les suivants :
Aussi, la société maritime proposera des conditions de travail décentes, justes et équitables au personnel embarqué sur les navires (juste salaire, rythme de travail respectueux, etc.), et impliquera la population locale.
Windcoop a fait le choix du pavillon RIF, le registre d’immatriculation français des navires de commerce. Ce pavillon compte aujourd’hui 370 navires, dont de nombreux gaziers et porte-conteneurs. Le RIF impose qu'une partie de l'équipage soit européen : un navire RIF doit être armé avec un minimum de 25% de marins européens. Pour les marins non-communautaires, le pavillon RIF est un pavillon protecteur car il impose à l’armateur ou à la société de recrutement d’apporter un minimum de protection sociale aux marins. Windcoop ira plus loin en s’imposant 50% de marins français et 50% de marins malgaches, et en proposant aux Malgaches des conditions salariales équitables.
Aujourd’hui, les porte-conteneurs, vraquiers, pétroliers, chimiquiers et gaziers sont à l’origine de plus de trois quarts des émissions de gaz à effet de serre liées au transport maritime international. La pollution du transport maritime représente actuellement 3 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde ; si le secteur n’entame pas de changements, les émissions s’élèveraient à 17 % d’ici à 2050. (Source : Le Monde)
C’est pourquoi c’est l’énergie du vent comme source d’énergie qui est au cœur de la technologie proposée par Windcoop. Une source d’énergie sûre, et disponible en abondance. « Si on veut décarboner efficacement la propulsion d’un bateau, l’énergie du vent est la seule chose qui permet à court terme de manière très concrète et finalement assez simple de réduire la consommation ». Nils Joyeux, Président de Zéphyr & Borée, Fondateur de Windcoop
Grâce à la navigation à la voile, le cargo permettra de réaliser des économies de carburant significatives, soit jusqu’à 90% de carburant économisé selon les routes et les saisons (chiffre représentant une moyenne établie à partir de simulations de voyages réalisée en partenariat avec le cabinet D-Ice Engineering). D’autre part, l’utilisation du vent est silencieuse et ne dégage pas de pollution sonore qui viendrait perturber les écosystèmes marins et terrestres.
Pensé pour être opéré principalement à la voile, grâce à sa carène optimisée pour la propulsion vélique, le bateau sera néanmoins équipé d’un moteur permettant la réalisation de certaines manœuvres et de passer les zones de pétole.
La réglementation va de plus en plus contraindre l’industrie du shipping à opérer une transition. Les contraintes réglementaires mises en place par l’OMI (organisation maritime internationale), l’UE et les ETS (marché du carbone) vont amener les compagnies maritimes à faire évoluer leur flotte, soit par la construction de nouveaux navires, soit par l’adaptation de modèle existants, ou par le paiement de taxes carbone. Certaines exigences réglementaires, dont certaines s’appliquent depuis le 1er janvier 2023, devraient aussi provoquer une hausse du prix du transport maritime.
Les enjeux de durabilité environnementales prennent en effet une place de plus en plus importante dans les réglementations du transport maritime mondial. A titre d’exemple, la convention MARPOL de l’OMI qui impose une amélioration énergétique des navires qui construits depuis 2013, avec des seuils de plus en plus contraignants pour qu’en 2025, les navires soient 30% plus efficaces que ceux construits entre 2000 et 2010.
Avec la première ligne entre Marseille et Madagascar, ce sont 5 aller-retours par an qui sont prévus. A terme, Windcoop souhaite développer une flotte de navires bas-carbone répondant aux enjeux du transport international. Aussi, après cette première ligne, c’est l’Amérique centrale puis l’Afrique de l’Ouest qui sont en ligne de mire.
Un projet innovant et décarboné, avec une approche éthique du transport maritime, structuré, ouvert à tous et compétitif qui devrait faire bouger les lignes de l’industrie du shipping.