Les Faiseurs de Terres revalorisent des terres excavées en milieu urbain tout en créant de l’emploi localement

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Les Faiseurs de Terres revalorisent des terres excavées en milieu urbain tout en créant de l’emploi localement

Les Faiseurs de Terre

De nombreuses villes sont prédatrices de terres rurales pour les aménagements paysagers. En effet, ce sont plusieurs millions de tonnes de terres qui sont importées en ville depuis la campagne chaque année. Dans le même temps, les villes sont productrices de déchets : terres excavées, compost de biodéchets, matériaux de déconstruction, etc. Des millions de tonnes de déchets, issus notamment des matériaux de déconstructions, sont quant à eux évacués chaque année en périphérie. A titre d'exemple, les chantiers du Grand Paris express devraient à eux seuls générer près de 45 millions de tonnes de terres excavées d'ici 2030. A cela s'ajoute une possibilité de valorisation des déchets issus de la démolition, représentant près de 42 millions de tonnes de pierres et bétons par an.

Face à l’importation de terre végétale venant de la campagne, qui fragilise l’écosystème au bénéfice de la ville, et à l’exportation de déchets de la ville vers la campagne, l’entreprise « Faiseurs de Terres » a développé une solution alternative par la mise en place d’une filière de production de substrats fertiles (support de culture au sein duquel les végétaux peuvent se développer), en économie circulaire et avec de l’insertion.

Cette société, implantée sur L’Île-Saint-Denis, est présidée par Stéphane Berdoulet, également Co-directeur de l’association Halage, à l’origine de ce projet qui s’inscrit dans une logique d’économie sociale et solidaire. C’est en effet l’association Halage qui a été mandatée par le département de Seine-Saint-Denis pour porter un projet écologique et social sur la friche industrielle Lil’Ô de L’Île Saint-Denis.

L’économie circulaire au cœur du process

Les Faiseurs de Terres créent des substrats fertiles à partir du réemploi, en circuit-court, de matériaux usagés présents en ville (terres inertes excavées, matières organiques issues du compostage et de la gestion des déchets verts, matériaux de déconstruction). Ces substrats fertiles permettent ensuite de planter des arbres, de végétaliser des parcs, des toits, des espaces de voirie, et crééent ainsi une boucle d’économie circulaire.

Le projet Faiseurs de Terres vise le développement d'une filière de production de substrats de qualité, adaptés aux différents besoins des projets de végétalisation et vivants, en s'appuyant sur les principes de l'ingénierie écologique.

En mettant à disposition des substrats fertiles de qualité produits localement et en circuit court, Faiseurs de terres permet de :

  • Lutter contre l'artificialisation et l'érosion des sols ;
  • Réduire l'impact lié aux nombreuses rotations de camions évacuant des déchets d'un côté et important des terres végétales de l'autre (diminution du transport, et par conséquent de CO2 par la filière) ;
  • Participer au rafraîchissement des villes en fournissant des substrats fertiles rendant des services écosystémiques s'approchant d'un sol classique (fertilité, rétention d'eau, support de biodiversité, stockage du carbone, etc.).

Les substrats créés sont différents selon les besoins identifiés. A titre d’exemple, les plantations d’arbustes ou les prairies nécessitent un substrat plus sableux, plus drainant et qui utilise moins de matière organique que le substrat qui sera développé pour les arbres d’alignement. Pour les substrats de toitures végétalisées, les formulations doivent être respectueuses des règles professionnelles pour la conception et la réalisation des terrasses et toitures végétalisées (RP TTV 2018), ni trop drainantes, ni trop lourdes, présentant un taux de matière organique minimal et une capacité d’absorption de l’eau adaptée.

 

Un acteur solidaire engagé

Les Faiseurs de terres développent une activité économique dans une logique à la fois environnementalement responsable et inclusive socialement. Il s’agit de participer à la renaturation les sols, tout en assurant l’insertion et l’emploi.

Jusqu’à aujourd’hui, de nombreuses personnes ayant des savoirs dans le milieu agricole en Seine-Saint-Denis n’avaient pas la possibilité de les valoriser. Avec Faiseurs de Terres, cela devient possible puisque le projet offre la possibilité d'inventer un nouveau métier urbain de Faiseuses et Faiseurs de Terres, accessible aux personnes éloignées du marché du travail, manuel mais déspécialisé pour révéler et mobiliser les savoirs expérientiels et les compétences des habitants autour de l'agriculture, du végétal et de la terre. Il s'agit également de construire un parcours d'insertion autour de la conduite d'engins, de la logistique, du cycle de la matière et ainsi faciliter l’insertion de personnes éloignées de l’emploi.

A travers Halage, des formations aux nouveaux métiers de l'agriculture urbaine sont proposées. En 2022, deux sessions de formation rémunérée de 3 mois ont été dispensées à 12 personnes, permettant notamment de transmettre des connaissances et des compétences pratiques sur les sols et technosols (opérateur de production de compost, fabrication de substrat fertile, utilisation de la terre crue comme matériau à bâtir, etc.) et de sensibiliser aux enjeux de leur préservation. La totalité des personnes alors formées a poursuivi dans le cadre soit de chantiers d’insertion, soit de formations qualifiantes, soit dans un contrat de droit commun.

L’entreprise a de fait également un impact sur l’emploi, par la création de postes dédiés, et d’une formation à un nouveau métier urbain non délocalisable, le métier de « faiseur de terres ».

 

Une démarche multi-acteurs menant à un modèle économique qui se structure

C’est sur L’Île-Saint-Denis qu’a été lancé, en 2020, le premier démonstrateur des Faiseurs de Terres, sur le site de sur le site de Lil’Ô. Le projet Faiseurs de Terres est co-construit par une Société à Actions Simplifiées (SAS) du même nom créée en septembre 2021, composée de Halage (Structure d’Insertion par l'Activité Économique dans l’aménagement d’espaces verts naturels et l’agriculture urbaine), Neo-Eco (bureau d’études expert dans la création de boucles d’économie circulaire et valorisation des matériaux) et Topager (acteur central de la végétalisation urbaine en Île-de-France), dans une logique de croisements des compétences et de savoir-faire au service d’un projet circulaire d’économie sociale et solidaire pour développer une production de substrats fertiles en valorisant des terres excavées, des minéraux de déconstruction et des composts de biodéchets issus des villes.

Cette approche multi-acteurs permet de réduire les coûts de gestion de ces matières usagées, de produire des terres végétales économiquement compétitives et de créer de l’emploi accessible aux personnes éloignées du marché du travail. La connaissance du territoire permet à Faiseurs de Terres d’identifier les gisements de matières usagées urbaines nécessaires à l’activité, qui seront préparées et entreront dans la fabrication de terres spécifiquement adaptées aux exigences végétales des aménageurs, maîtres d’ouvrage publics et privés et concepteurs d’espaces verts urbains (toitures végétalisées, agriculture urbaine, etc.).

Faiseurs de Terres possède déjà des références. Elle s’appuie notamment sur le marché commandité par la Société de Livraison des Ouvrages Olympiques, SOLIDEO, pour tester la production de substrats fertiles dans la perspective de fournir les besoins du village olympique. L’expérimentation a permis de proposer un itinéraire technique, aujourd’hui approuvé pour la mise en production de 20 000 m3 qui serviront à aménager les espaces extérieurs du village des athlètes.

D’autre part, le projet Faiseurs de Terres signe ses premiers clients en 2023 pour aménager des espaces publics sur plus de 2000 m² en propre, et reçoit de nombreuses sollicitations nouvelles. Les Faiseurs de Terres vont d’ailleurs installer leur premier site de production sur Plaine Commune dans le courant du premier trimestre 2023. 

Soutenu par l'ADEME, la REGION Ile-de-France et la Ville de Paris, Faiseurs de Terres poursuit ainsi son développement en expérimentant plusieurs formules optimisées sur le site de Lil’Ô, et en planifiant l'implantation d'un projet pilote sur une parcelle à Saint-Denis.

Aujourd’hui, de plus en plus de marchés publics imposent des substrats avec un certain taux de matériaux recyclés ou issus de circuits courts. Aussi, l’entreprise pourrait consolider son modèle économique puisqu’un nombre grandissant d’aménageurs est intéressé pour contractualiser avec eux pour l’achat de ce substrat. A ce titre, le projet a été présenté à de multiples partenaires (MOA collectivités locales, entreprises de TP et espaces verts, paysagistes, etc.) intéressés par cette alternative à la prédation des terres agricoles. De premières commandes sont prévues dès 2023.

 

Ce projet, en phase et développement qui poursuit ses expérimentations afin de consolider son modèle, vise ainsi à développer une filière de fabrication en circuit de proximité et en économie circulaire, tout en créant de l’emploi pour les personnes éloignées du marché du travail. En 2021 et 2022, 1500 m3 de substrats fertiles ont été produits et Faiseurs de Terres a pour ambition d’en produire annuellement au moins dix fois plus dans les années à venir, sachant que les besoins en substrats fertiles identifiés, en Ile-de-France, sont autour de 575 000 m3 pour les aménagements paysagers et 90 000 m3 pour les toitures végétalisées.

En 2023, l’un des enjeux pour les Faiseurs de Terre sera de trouver du foncier permettant de disposer d’une surface suffisante pour traiter, stocker et transformer la matière.